Histoire de la section originale de la communauté chinoise au cimetière Beechwood

La communauté chinoise d’Ottawa a toujours fait preuve d’un fort esprit de solidarité et de responsabilité collective. Cette unité s’est manifestée dès 1914 avec la fondation de l’Association chinoise unie par Tan Jun et Huang Xianying, qui cherchaient à promouvoir le bien-être des résidents chinois et à défendre de meilleures politiques d’immigration. Face aux discriminations et aux lois restrictives – notamment la taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois – les dirigeants de la communauté chinoise d’Ottawa ont joué un rôle actif dans les mouvements nationaux visant à abolir ces mesures.

Au début du XXᵉ siècle, la population chinoise d’Ottawa, comme dans d’autres villes canadiennes, faisait face à de nombreuses difficultés sociales et juridiques. Beaucoup travaillaient dans des métiers exigeants, notamment dans les blanchisseries, les épiceries et les restaurants, envoyant souvent une partie de leurs gains à leur famille restée en Chine. Cependant, les lois restrictives en matière d’immigration empêchaient le regroupement familial, laissant de nombreux hommes chinois seuls au Canada, sans proches pour veiller sur eux dans leurs vieux jours. À leur décès, ils risquaient d’être inhumés dans des tombes anonymes ou oubliées.

Consciente de cette situation, la communauté chinoise d’Ottawa a pris l’initiative d’agir. En 1925, William Joe et Marion Hum, accompagnés d’autres membres de la communauté, ont acheté quarante parcelles funéraires au cimetière Beechwood. Leur objectif était de garantir une sépulture digne aux personnes sans famille ni ressources financières. Cet achat collectif constitue l’un des premiers efforts organisés par la communauté chinoise pour assurer un lieu de repos permanent à ses membres.

Dans les années 1930, la population chinoise d’Ottawa a continué de croître, augmentant ainsi la demande d’espaces funéraires. Des familles influentes, comme celles de Zhou Xiang, Zhou Zaiyan et Tan, ont joué un rôle clé dans la fondation de l’Association de bienfaisance chinoise, une organisation d’entraide dédiée aux personnes âgées, aux malades et aux personnes démunies. C’est sous son impulsion qu’en 1937, cinquante nouvelles parcelles funéraires ont été achetées au cimetière Beechwood, garantissant que les besoins de la communauté seraient pris en charge.

Le premier espace funéraire chinois désigné à Beechwood se trouvait dans les rangées 8 à 11, où les premières inhumations ont commencé en 1926. En 1937, cette section s’est agrandie pour devenir la Parcelle de la Société de bienfaisance chinoise, couvrant les rangées 12 à 17. Un monument commémoratif y a également été érigé pour rendre hommage aux contributions et aux sacrifices de ceux qui y reposent.

Contexte historique et social

La création d’une section chinoise au cimetière Beechwood reflète les défis et les expériences des immigrants chinois au Canada. De nombreux membres de la première génération de Chinois d’Ottawa venaient du Guangdong, dans le sud de la Chine, en particulier de la région des Siyi (Quatre Districts), et parlaient le dialecte Hoyshan. Leur immigration était motivée par la pauvreté et l’instabilité politique en Chine, ainsi que par la promesse d’opportunités économiques à l’étranger. Cependant, une fois arrivés au Canada, ils ont dû faire face à un racisme systémique, à la ségrégation et à des lois limitant sévèrement leurs droits.

De 1923 à 1947, l’Acte d’immigration des Chinois, aussi connu sous le nom de Loi d’exclusion des Chinois, a interdit presque toute immigration en provenance de Chine. De nombreux Chinois d’Ottawa ont ainsi été définitivement séparés de leurs familles. Face à l’impossibilité de retourner dans leur pays d’origine pour être enterrés, la communauté s’est organisée pour assurer une sépulture digne à ses membres à Beechwood.

Pendant la guerre de résistance contre l’agression japonaise (1937-1945), la communauté chinoise d’Ottawa a activement soutenu l’effort de guerre en Chine. Elle a collecté des fonds, acheté des obligations du gouvernement chinois et même envoyé certains de ses membres combattre. L’instabilité internationale et les restrictions à l’immigration ont empêché de nombreux Chinois de retourner en Chine, renforçant ainsi l’importance de la section chinoise de Beechwood comme lieu de mémoire et de dernier repos.

Chinese section

Héritage et reconnaissance

Aujourd’hui, la section chinoise du cimetière Beechwood est connue sous le nom de "Fuyin Garden", caractérisée par des pierres tombales uniformément disposées au sol et entourées d’une clôture de cyprès. À proximité se trouve le "Huaiyuan Pavilion", un monument honorant la mémoire des premiers pionniers chinois d’Ottawa. Ces structures témoignent des épreuves, des sacrifices et de la persévérance de la communauté chinoise locale.

Original chinese section

 

L’acquisition de cette section au cimetière Beechwood ne se limitait pas à l’achat de parcelles funéraires : elle représentait un acte de résilience et de solidarité face à la discrimination et à l’exclusion. Aujourd’hui, cet espace demeure un site historique important, préservant le souvenir des premières générations de Chinois d’Ottawa et de leur engagement à bâtir une communauté forte et unie.

Note de bas de page: Cette histoire s’appuie sur des archives communautaires et le CHRP Report 110222: A Historical Brief of Chinese Canadians in Ottawa Ontario Canada, qui retrace le développement de la communauté chinoise d’Ottawa, ses défis et l’établissement de la section chinoise du cimetière Beechwood.