Indomptable électricien - FREDRICK NEWTON GISBORNE

FREDRICK NEWTON GISBORNE

Section 41, Lot 107 E 

Né en Angleterre en 1824. Il quitte l'Angleterre en 1842 pour un voyage autour du monde, pour finalement s'installer au Canada en 1845.

M. Gisborne vient au Canada en 1845 où il devient opérateur en chef du Montréal Telegraph Company. Plus tard il est directeur général de la British North America Electric Telegraph Association, formée en 1847 pour relier les provinces maritimes au HautCanada et Bas-Canada.

En 1852 il étend le premier câble télégraphique océanique en Amérique du Nord, reliant l’île du Prince Édouard au Nouveau-Brunswick. Il est le créateur et le promoteur d’un câble submersible entre Terre-Neuve et l'Irlande.

Dès 1840, Samuel F. B. Morse a proclamé sa foi dans l'idée d'une ligne sous-marine à travers l'océan Atlantique. En 1850, un câble était installé entre l'Angleterre et la France. Cette année-là, l'évêque John T. Mullock, chef de l'Église catholique de Terre-Neuve, a proposé une ligne télégraphique à travers la forêt de St. John's à Cape Ray et des câbles à travers le golfe du Saint-Laurent de Cape Ray à la Nouvelle-Écosse à travers le détroit de Cabot.

À peu près à la même époque, Frederic Newton Gisborne, un ingénieur télégraphiste en Nouvelle-Écosse, a eu un plan similaire. Au printemps de 1851, il obtint une subvention de la législature de Terre-Neuve et, après avoir formé une entreprise, commença à construire la ligne terrestre. En 1853, sa société fait faillite, il est arrêté pour dettes et perd tout.

En 1854, l'homme d'affaires et financier Cyrus West Field invita Gisborne chez lui pour discuter du projet. De son visiteur, Field a envisagé l'idée que le câble vers Terre-Neuve pourrait être prolongé à travers l'océan Atlantique.

Field ignorait les câbles sous-marins et la mer profonde. Il consulta Morse et le lieutenant Matthew Maury, une autorité en océanographie. Les cartes que Maury a construites à partir des sondages dans les journaux de bord de plusieurs navires ont indiqué qu'il y avait une route praticable à travers l'Atlantique. Il semblait si idéal pour la pose de câbles que Maury l'a nommé Telegraph Plateau. Les cartes de Maury indiquaient également qu'une route directement vers les États-Unis était trop accidentée pour être tenable et considérablement plus longue. Field a adopté le plan de Gisborne comme étape préliminaire à la plus grande entreprise et a encouragé la New York, Newfoundland and London Telegraph Company à établir une ligne télégraphique entre l'Amérique et l'Europe.

En 1855, Field traversa l'Atlantique, la première des 56 traversées au cours du projet, pour consulter John Watkins Brett, la plus grande autorité sur les câbles sous-marins à l'époque. La Submarine Telegraph Company de Brett a posé le premier câble océanique en 1850 à travers la Manche, et sa English and Irish Magnetic Telegraph Company avait posé un câble vers l'Irlande en 1853, le câble le plus profond à cette date. D'autres raisons du voyage étaient que tous les fabricants commerciaux de câbles sous-marins étaient en Grande-Bretagne,  et Field n'avait pas réussi à lever des fonds importants pour le projet à New York.  Field a fait avancer le projet avec une énergie et une rapidité incroyables. Avant même de former une société pour le réaliser, il a commandé 2 500 miles nautiques (4 600 km ; 2 900 mi) de câble à la Gutta Percha Company.

Cable ship

L'Atlantic Telegraph Company a été créée en octobre 1856, avec Brett comme président et Field comme vice-président. Charles Tilston Bright, qui travaillait déjà pour Brett, a été nommé ingénieur en chef, et Wildman Whitehouse, un médecin autodidacte en génie électrique, a été nommé électricien en chef. Field a fourni lui-même un quart du capital. Après la vente des actions restantes, en grande partie à des investisseurs existants dans la société de Brett, un conseil d'administration non rémunéré a été formé, qui comprenait William Thomson (le futur Lord Kelvin), un scientifique respecté. Thomson a également agi en tant que conseiller scientifique.

Morse, actionnaire du projet de la Nouvelle-Écosse et agissant à titre de conseiller en électricité, faisait également partie du conseil. La première étape consistait à terminer la ligne entre St. John's et la Nouvelle-Écosse, qui a été entreprise par le frère de Gisborne et Field, Matthew. En 1855, une tentative a été faite pour poser un câble à travers le détroit de Cabot dans le golfe du Saint-Laurent. Il a été aménagé à partir d'une barque en remorque d'un vapeur. Lorsque la moitié du câble a été posée, un coup de vent s'est levé et la ligne a été coupée pour empêcher la barque de couler. En 1856, un bateau à vapeur a été aménagé à cet effet, et le lien entre Cape Ray, Terre-Neuve et Aspy Bay, Nouvelle-Écosse a été posé avec succès.

Le coût final du projet dépassait 1 million de dollars et le segment transatlantique coûterait beaucoup plus.

Premier contact

Des messages de test ont été envoyés de Terre-Neuve à partir du 10 août 1858. Le premier a été lu avec succès à Valentia le 12 août et à Terre-Neuve le 13 août. D'autres messages de test et de configuration ont suivi jusqu'au 16 août, date à laquelle le premier message officiel a été envoyé via le câble :

Directeurs de l'Atlantic Telegraph Company, Grande-Bretagne, aux Directeurs en Amérique :—L'Europe et l'Amérique sont unies par le télégraphe. Gloire à Dieu au plus haut des cieux; sur terre la paix, la bonne volonté envers les hommes.

Vient ensuite le texte d'un télégramme de félicitations de la reine Victoria au président James Buchanan dans sa résidence d'été à l'hôtel Bedford Springs en Pennsylvanie, exprimant l'espoir que le câble prouvera "un lien supplémentaire entre les nations dont l'amitié est fondée sur leur intérêt commun et estime réciproque ». Le président répondit : « C'est un triomphe plus glorieux, parce que bien plus utile à l'humanité, que jamais remporté par vainqueur sur le champ de bataille. Que le télégraphe de l'Atlantique, sous la bénédiction du Ciel, se révèle être un lien de paix perpétuelle. et l'amitié entre les nations apparentées, et un instrument destiné par la Divine Providence à répandre la religion, la civilisation, la liberté et la loi dans le monde entier."

Les messages étaient difficiles à déchiffrer ; Le message de la reine Victoria de 98 mots a mis 16 heures à être envoyé. Néanmoins, ils ont suscité un élan d'enthousiasme. Le lendemain matin, un grand salut de 100 canons retentit à New York, les rues étaient ornées de drapeaux, les cloches des églises sonnaient et la nuit, la ville était illuminée. Le 1er septembre, il y a eu un défilé, suivi d'une procession aux flambeaux en soirée et d'un feu d'artifice qui a provoqué un incendie à l'hôtel de ville. Bright a été fait chevalier pour sa part, le premier honneur de ce genre à l'industrie télégraphique.

map of the first cables

 

En 1879, M. Gisborne est nommé surintendant du Service de télégraphe du Gouvernement canadien, lequel poste il conserve jusqu'à son décès. Parmi ses nombreuses inventions nous retrouvons: câble océanique anti-induction, signaux de bateaux électriques et pneumatiques, composition anticorrosive pour le fond des bateaux d'acier et récepteur électrique.

Frederick Newton Gisborne, homme de grande originalité et d’excellente compétence scientifique, est décédé en 1892.

Gisborne resta en Angleterre jusqu’en mai 1857 puis il rentra à St John’s, où on lui réserva un accueil triomphal. À l’occasion d’un dîner public donné en son honneur, il reçut une statuette d’argent en reconnaissance de son travail. Ensuite, il s’adonna à une nouvelle passion : la recherche et l’exploitation de gisements miniers à Terre-Neuve et dans les Maritimes. Il explora le littoral terre-neuvien du cap Ray au détroit de Belle-Isle, rassembla des capitaux en Angleterre et mit en valeur au moins deux emplacements pour la St John’s United Copper and Lead Mining Company.

Gravement blessé d’un coup de feu alors qu’il faisait de l’exploration à Terre-Neuve, Gisborne dut mettre un terme à ses aventures et rentrer en Angleterre en 1861. Il entreprit des recherches sur l’équipement du télégraphe, de signalisation et de navigation, et fit breveter des inventions très diverses. Il habitait près du pont de Londres et se définissait comme « ingénieur et électricien ».

En 1862, on le nomma commissaire de Terre-Neuve à l’Industrial Exhibition de Londres et, cinq ans plus tard, commissaire des mines du gouvernement terre-neuvien à l’Exposition universelle de Paris. En 1865, il devint aussi agent des mines et minéraux à Londres pour le gouvernement néo-écossais. Il exposait régulièrement à la Royal Society, et ses inventions lui rapportèrent plusieurs médailles, mais une escroquerie industrielle lui fit perdre bon nombre de ses brevets britanniques en 1867.

De retour en Nouvelle-Écosse en 1869 pour recueillir des renseignements à titre d’agent provincial des mines et minéraux, Gisborne s’enthousiasma pour le potentiel des gisements houillers du Cap-Breton. Il trouva un groupe d’investisseurs anglais prêts à risquer de l’argent dans ces mines qui s’annonçaient lucratives et, dès la fin de l’année, il était ingénieur en chef d’une compagnie qui faisait de l’exploitation dans l’île. Il supervisa l’aménagement de quatre houillères, la construction de plusieurs tronçons de chemin de fer et l’amélioration des installations portuaires de Sydney et de Louisbourg. Cependant, la crise des années 1870, qui fit chuter le prix du charbon, eut raison de l’entreprise dans laquelle on avait déjà investi plus de 3 millions de dollars. Gisborne tenta de tirer son épingle du jeu en investissant dans les mines d’or de la Nouvelle-Écosse mais, là encore, il échoua. En 1879, à l’âge de 55 ans, il était de nouveau ruiné.

Le gouvernement fédéral saisit l’occasion de faire appel à un homme aussi compétent et offrit à Gisborne le poste, tout nouveau, de surintendant du service de télégraphie et de signalisation du dominion. Cette nomination, qui entra en vigueur le 1er mai 1879, inaugura une période relativement stable dans sa carrière. Son premier travail consista à réorganiser le réseau télégraphique de la Colombie-Britannique, qui coûtait cher et posait sans cesse des problèmes. Il se rendit tout de suite dans la province ; dès la fin de l’année, les lignes endommagées étaient réparées et le réseau commençait à rapporter quelques recettes régulières. En 1882, Gisborne reçut le titre de membre fondateur de la Société royale du Canada [V. sir John William Dawson].

Pendant l’été de 1883, Gisborne alla inspecter le nouveau réseau télégraphique qui reliait Fort Qu’Appelle (Saskatchewan) à Edmonton et Calgary et qui remplaçait une vieille ligne « de pionniers » installée le long d’un ancien trajet du chemin de fer canadien du Pacifique. Parti avec son fils Hartley, qui allait occuper le poste de surintendant de district des télégraphes gouvernementaux à Battleford, il parcourut plus de 1 000 milles en chariot jusqu’à Calgary, ce qui lui permit de voir les premières fermes isolées, les campements indiens et les petits hameaux de la région. Il rentra à Ottawa par train ; son voyage avait duré environ trois mois. En 1885, repris par le goût de l’aventure, il accompagna le corps expéditionnaire qui allait réprimer la rébellion du Nord-Ouest.

Il supervisa personnellement l’installation des lignes télégraphiques de Dunmore à Fort MacLeod (Alberta) et de Moose Jaw à Wood Mountain (Saskatchewan). En outre, il entreprit la remise en état de la ligne Edmonton-Calgary. II vaut aussi la peine de noter que, pendant qu’il était surintendant du service télégraphique, Gisborne organisa et réalisa l’installation d’un câble qui reliait les stations du golfe du Saint-Laurent. Cette ligne servait à transmettre des renseignements sur la pêche, les conditions atmosphériques et les catastrophes maritimes, en plus des messages usuels.

Il continuait de prononcer des causeries et d’écrire des articles de journal sur une variété de sujets et, au moment de sa mort, en 1892, il projetait l’immersion d’un câble transpacifique. Membre de l’Église d’Angleterre, il était réputé pour sa « largeur de vues ».

Habitué à se dépenser physiquement, il mourut chez lui, paisiblement et de manière assez imprévue, en se reposant d’une tournée au cours de laquelle il avait inspecté le réseau du golfe. Frederic Newton Gisborne avait apporté une contribution remarquable à la conception et à la promotion de divers câbles télégraphiques, dont le câble transatlantique, ainsi qu’à l’exploration et à la mise en valeur des gisements houillers du Cap-Breton.

Pourtant, sa disparition ne fit pas de bruit. Les uns après les autres, ses associés avaient tenté de lui voler ses innovations, ses entreprises et sa réputation ; parfois ils y étaient parvenus. Cependant, il reste que « l’indomptable électricien », comme le surnommait l’un de ses amis anglais, est une figure marquante de l’histoire de la science et de la technologie au Canada, de même qu’un pittoresque représentant de ces scientifiques épris d’aventure qu’a produits l’époque victorienne.

Gisborne monument